Recouvrir une tartine de ships {Septi}

Aujourd'hui, je me retrouve ici, devant la salle de français. Que fais-je? Je me dissimule. De qui? De Lui. J'ai eu un cours avec lui il y a peu et aussitôt, j'ai éprouvé cette admiration sans borne pour Lui. Je ne sais pas trop pourquoi. Dans mon être, c'est comme si quelque chose avait explosé. Et c'est ainsi que je me suis retrouvée devant cette salle, en ce jour, à épier par une porte entrebâillée, mon professeur préféré. Je soupire discrètement. Il est là, assis à son bureau, écrivant sur du papier. Je suppose qu'il s'agit de copies. D'ailleurs, j'espère que ce n'est pas la mienne qu'il est en train de corriger, parce que vu son air et la manière qu'il a de raturer régulièrement, ce ne doit pas être une bonne copie. Je soupire à nouveau, observant attentivement l'objet de mes désirs. Je l'observe, le dissèque des yeux. Je ne sais pas pourquoi j'éprouve cela à son égard. Peut-être que je l'aime. Je m'affole un peu à cette pensée et quelques flocons viennent se poser, sans fondre, sur mes épaules. Je frissonne un peu et remonte mes yeux vers son visage. Je ne sais pas si on pourrait le qualifié de beau, de mannequin, mais à mes yeux, je le trouve parfait. Pas parfait dans le sens où il ferait fureur partout où il passerait, où il pourrait se faire séducteur des dames de cette école. Non, juste que je ne lui trouve aucun défaut. Sublime dans sa démarche, dans ses regards. Il ne donne pas l'impression d'aimer faire cours, ou d'aimer corriger des copies. Pourtant, il est professeur ici. Je me souviens encore de la première fois que je l'ai aperçu en arrivant à Stornhold. C'est aussi la première fois que j'ai découvert mon pouvoir. Mon coeur s'est emballé et des flocons de neige sont tombés à mes pieds, sur mes cheveux, sur mes vêtements. Un peu angoissant, je vous le dis. Et angoisse qui a fait augmenter le rythme des flocons à une vitesse incroyable. Un petit tas de neige s'est vite fait sur mes cheveux. On m'a regardé bizarrement avant de se détourner. Mais je n'oublierai jamais ma première impression. Rien que d'y penser, j'en rougis. Encore quelques flocons supplémentaires sur mes vêtements. On me croirait revenue d'une bataille de boule de neige...

Tiens, il se lève... Ah, il s'approche de la porte. Je suppose qu'il veut la refermer. Il commence à faire froid, c'est vrai. Attendez... Il s'approche de la porte?! Non, non, non!!! Que dois-je faire, que dois-je faire???!!! Je commence à paniquer, avec les flocons qui vont avec et à faire les cent pas devant la porte. Que. quee... Pourquoi je reste devant la porte? Pourquoi je ne m'enfuis pas? Aah, ce serait une bonne idée. Ah, mais trop tard. Il est là. Il est là?! Mais pourquoi!! La porte s'ouvre en grand, dans un mouvement des plus brusques.

"ALORS EN PLUS QUE LES ÉLÈVES SOIENT DES CANCRES, ILS ESPIONNENT LEURS PROFESSEURS ! VOUS AVEZ INTÉRÊT A AVOIR UNE EXCUSE PLAUSIBLE MADEMOISELLE !

Je tombe à la renverse et écarquille les yeux, un vent de panique croissant. Est-ce que je vous avais dit que mes pouvoirs agissaient de concert avec mes émotions? Bah maintenant c'est fait. Et la peur ainsi que la surprise qui montent en moi ne sont pas bon signe, vraiment pas. Un hoquet sort de ma bouche en même temps qu'une tempête de neige se lève. Je crois que le thème bonhomme de neige nous conviendrait très bien à ce moment-là. Parce qu'une bonne quantité de neige vient de nous tomber dessus. AAAaaaahhh!!! Pourquoi maintenant, pourquoi Lui?! Ma voix sort, un peu tremblotante.

"Heu, désolée monsieur..."

Je me relève et m'approche de lui, essayant d'enlever la neige qui se trouve sur lui, tout en sachant que vu mes émotions, il en sera de nouveau recouvert dans peu de temps...

Je ne veux pas le regarder. Enfin. Nooon!! Ne pensez pas que je n'aime pas le regarder, loin de là!!! J'aime énormément l'observer dès que je le peux. Mais là, ce n'est pas le moment. Il doit être furieux. Il est sûrement furieux. Il doit m'en vouloir, vraiment beaucoup. Pourquoi ce stupide pouvoir s'est déclenché juste là? Pourquoi maintenant? Pourquoi sur lui? Je me hais pour ça.

"Hum... Merci... Qu'est-ce que vous faites là, jeune fille ? "

J'écarquille les yeux. Je suis presque plus choquée par ça que par sa brutale irruption. Quelques flocons recommencent à tomber et je m'agite un peu, essayant de me calmer. Rien à faire. Il est vraiment le plus gentil des professeurs ici. Et ceux qui le dépeignent comme un homme cruel et méchant, qui n'hésite pas à blesser ou à faire du mal aux gens... Je les ferai taire à tout jamais. Il vient de me remercier. Moi! Alors que je viens de l'enneiger!

"Si je ne me trompe pas, vous m'espionnez ? "

J'esquisse un pas en arrière, levant les yeux vers lui plongeant mes yeux étranges dans les siens... Avant de les baisser brusquement, rouge de gène et blanche de neige. Parce que oui, ma gène a encore une fois fait des siennes et quelques flocons volent joyeusement, comme pour me narguer en me hurlant et oui, nous sommes bien là, tu pourras pas nous effacer... Je me mordille la lèvre. Dois-je donner la vérité? Je ne pense pas. Que lui dirais-je? Que je pense peut-être être amoureuse de lui? Que je l'admire profondément? Au mieux, il croira que je lui mens. Au pire, il se moquera de moi. Comme je ne veux ni l'un ni l'autre... Je n'ai plus trop d'alternative. Seul petit problème, je ne sais pas mentir. Du moins, pas à lui. Je m'empourpre de nouveau et bégaille.

"Je... ne... cestpascquevouscroyezmonsieurjevousassurecestpasça."

Moi, ou l'art de ne pas répondre quelque chose d'intelligible, comme creuser lorsque l'on est au sol.

Je rougis encore plus. Non contente d'enneiger mon professeur adorée, de me rendre exécrable, je réussissais aussi l'exploit d'être aussi ridicule qu'une marguerite au milieu de roses. Je m'efforçai de balbutier quelque chose, mais je n'arrivais pas à sortir le moindre de mot et je demeurai coite, la bouche légèrement entrouverte. Je l'observai rentrer dans sa salle, une pointe de déception montant en moi. Il se lassait déjà apparemment. C'est dommage, pour une fois que je pouvais l'approcher, en dehors d'un cours et je réussissais à tout rater. Quelle débile!!!

"Vous entrez ? Et, si ce n'est pas trop vous demander, votre nom ? Si possible, je prend l'option "intelligible" !"

J'écarquillai encore plus les yeux, un sourire commençant à pointer sur mes lèvres. J'acquiesçai rapidement, avant qu'il ne puisse changer d'avis. J'enlevai la marche arrière et enclenchai la première. Marche avant touuute. J'entrai dans la classe, pénétrai dans son monde. Du moins à mon avis. Tout ici me rappelait mon professeur. Un brusque sentiment étreignit ma poitrine et mon sourire se fit encore plus large. Bon. Peut-être que maintenant que je suis sûre de pouvoir l'observer à loisir durant un assez long moment, je pourrais répondre à ses questions. La première, je n'y suis toujours pas résolue. Essayons d'esquiver la question. La deuxième et plus simple et ne pourra pas me porter préjudice.

"Je suis Shísān, professeur Septimus. De 6ème B."

Mmmhh son nom coule sur ma langue. C'est peut-être la première fois que je le prononce à haute voix et surtout devant lui. J'adore.

"Je suis donc ton professeur principal... Bon."

Je souris de nouveau. Oui, il était mon professeur principal. Bon, celui de la sixième B en général, mais mon professeur principal. Il s'assied de nouveau à son bureau, reprenant la correction des copies, tout en m'indiquant une chaise. Sans trop tarder, je m'assieds à celle-ci. Le temps passait et mon professeur continuait sa correction. N'ayant que peu de choses à faire, je posai mes coudes sur la table, calai ma tête sur mes mains et levai mes yeux vers lui, détaillant chacun de ses gestes. J'observai son air concentré, sa main raturant par-ci par-là ce que je supposai être des erreurs. Un sourire quasi béat s'installait progressivement sur mon visage, tandis que je continuai mon observation.

"Bon. Je veux tout savoir."

Je sursautai vivement. Plongée comme je l'étais dans mon observation quasiment fanatique de sa personne, je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'il parle. Maintenant que j'étais sortie de cette sorte de transe, je pouvais voir qu'il avait arrêté d'écrire et qu'il s'était installé plus confortablement sur son siège. Je piquai un fard en baissant un peu les yeux.

"Qu'est-ce que tu faisais ici ? Tu m'espionnais ?"

Yeux qui se relevèrent immédiatement. Je ne pense pas que mes joues aient changé de couleur, toujours aussi rouges, mais il venait de se passer quelque chose d'incroyable. Pas au niveau du sens de sa phrase, très voire trop proche de la vérité, mais plus profondément que ça. Il venait... de me tutoyer. Si mon visage n'était pas assez rouge, il le devint encore plus. J'avais l'impression de brûler. J'écarquillai un peu les yeux, mais il se reprit, me coupant dans quelque chose que je n'étais pas sûre de vouloir savoir.

"Qu'est-ce que vous faites ici ?! Parlez !"

Sa dernière exclamation me fit de nouveau sursauter et je fixai ses yeux. Deux secondes. Après, Plus rouge qu'une tomate cerise, je détournai les yeux, cherchant mes mots.

"Je... Vous... C'est... euhhhh. Hasard?"

"Décidément ! Mais allez vous faire soigner ! Vous avez du mal à parler ! Pouvez-vous répondre intelligiblement a ma question ?"

Comment dire? Il est très difficile d'être en tête à tête avec la personne qui hante la plupart de vos pensées et en même temps trouver la concentration de faire une phrase correcte et intelligible, surtout lorsque vous ne pouvez vous empêcher de rougir à chaque chose qu'il dit. Je le vis me regarder, mais lorsque ses yeux se posèrent sur les miens, je détournai le regard. Je n'aimais pas mes yeux et je ne voulais pas lui donner une raison de me détester. Cette couleur si étrange, partant du vert pour finir en doré. Horrible. Je sais qu'Il me disait les aimait, mais au final il m'a aussi abandonnée. Puis-je encore le croire? Un mouvement me sortit de mon mutisme. Mon professeur venait de se lever. Je le regardai chercher quelque chose. Lorsqu'il me tendit une feuille, je le regardai avec un air interrogateur. Pourquoi me donnait-il une feuille? D'accord, je pourrais la chérir, mais il n'était pas censé être au courant

"Puisque vous semblez ne pas savoir vous exprimer a l'oral sans bredouiller des choses incompréhensibles, vous me copierez ce texte. C'est en Sthornholdien Ancien. C'est Secondus qui l'enseigne. Vous allez donc l'apprendre."

Aaah, tout s'explique. Je hochai la tête, ne sachant pas vraiment à quoi m'attendre. Du Sthornholdien Ancien? Qu'était-ce? Y avait-il un rapport avec le fait que l'on soit à Stornhold? Secondus, si je me souviens bien, je crois l'avoir aperçu une fois ou deux, mais sans plus, juste de loin. Bon copier un texte, ça devrait aller. Je rougis légèrement et épiai le mouvement qu'il fit en attrapant une autre feuille.

" Quando solevi expartès,
Lunae élèvata scadi
Cum èt labra sachilsimès
Attentiona Per la mastigna
Dès Nadavia
Dès Nadavia."

Quando quoi? Mes yeux s'écarquillèrent de nouveau, et sans vraiment en avoir conscience, je relevai les yeux pour planter mon regard dans le sien. Habituellement, j'évitai de fixer ainsi quelqu'un, parce que je n'aimais pas laisser voir la couleur de mes yeux à quelqu'un. Mais là, c'était un peu inévitable. À part le premier mot, je ne suis pas sûre d'avoir retenu grand chose, surtout que j'étais un peu absorbée à me délecter de sa voix. Avant que je ne pose la question, il me tendit la feuille, que je pris avec soulagement.

"C'est un poème du Xè siècle, donc dans une forme très ancienne. Pour la traduction, va voir Secondus. Allez, au boulot !"

Il ne l'avait peut-être pas remarqué, mais dans sa deuxième phrase, il m'avait encore tutoyée. Ça me faisait plaisir, vraiment très plaisir. Je souris tranquillement. S'il me voyait ainsi, il me prendrait sûrement pour une folle à sourire devant un travail, mais bon... Lui retournait à ses copies. Je posai mes yeux sur le poème, cherchant à comprendre quand même un peu.

"Euh. Excusez moi, Monsieur. Ça parle de soleil et de lune, mais la suite est un peu floue. Je sais bien que... que vous m'avez dit de demander au professeur Secondus, mais peut... peut-être auriez-vous. euuhh. la gentillesse de m'expliquer un peu?"

D'accord, j'aurais pu copier ce texte sans rien dire, mais en le voyant retourner à son bureau, j'avais senti comme un vide en moi. J'aurais aimé profiter plus longtemps de sa présence, et c'était la seule chose que j'avais trouvé à dire.